David Pagnon

L’herbe est toujours plus verte en Écosse qu’ils disaient… 3/4

English version:

Été 2015

Partie 3/4

Où les ennuis atteignent leur paroxysme : le stop est un échec, je ne trouve toujours pas de logement, je tombe malade, et je me retrouve nez à nez avec l’organisateur de la conférence alors que je fais ma toilette au lavabo.

Illustré par cet album (Espagne) et par celui-ci (Écosse).
Partie 0/4 ; Partie 1/4 ; Partie 2/4 ; Partie 3/4 ; Partie 4/4 ; Partie 5/4 ; Partie 6/4 (pas facile de compter au delà des quatre doigts d’une main).


Trahison

Un homme averti en vaut deux. Pensons également au sort des femmes, qui le valent bien : une femme avertie vaut un homme.

Toujours est-il que je passe encore une journée de tourisme dans Édimbourg, dont je visite à la fois les spectaculaires quartiers touristiques et les tristes banlieues noires de suie. Je reste seul à seul avec mes pensées, avec mes pieds nus, et avec l’incroyable gentillesse des Écossais. Pour changer, je choisis de passer une nuit un peu à l’écart de la ville, sur une colline au dessus d’un lac. Un lac, de l’eau…

… Nager ! J’ai pris un engagement solennel : à chaque fois que je me retrouve devant une étendue d’eau, je dois m’y baigner. Pas d’excuse qui tienne.

Pourtant, cette fois la tâche me semble ardue. D’où je suis, l’accès au lac se fait en désescaladant un à-pic rocheux, qui plonge directement dans un champ de vase impraticable. L’eau ne s’éclaircit que 50 mètres plus loin. Ah.

Comment faire ? Aussi loin que porte mon regard, la configuration est identique, ou pire. Si j’ose m’y aventurer, j’en sors autant glacé que couvert de boue, avec l’impossibilité de me rincer ni de me réchauffer… Pas terrible.

N’y a-t-il vraiment aucune solution ? Je contourne le lac, je m’engage dans les fourrés, j’escalade quelques rochers… Rien de mieux. Il commence à faire nuit, et je dois installer mon campement. J’ai bien peur que la tâche soit impossible.

Elle est impossible. A grands regrets, je dois donc abandonner l’idée, et violer le pacte que j’ai tacitement passé avec moi-même. Je déteste manquer à mes engagements… C’est une étendue d’eau, je ne m’y baigne pas : quelle absurdité !! Il me semble avoir trahi toutes mes valeurs. Il y a probablement pire dans la vie, mais pour l’instant je ne suis pas d’humeur à le concéder. Je préfère largement me ronger d’amertume.

C’est bien peu de chose, je vous l’accorde. Mais ça fera guise d’échauffement pour le lendemain. Au réveil, je réalise que la conférence est pour le jour d’après. Il pourrait être intéressant de commencer à me diriger vers Glasgow ! Bah… C’est à 75 kilomètres, un saut de puce sur le dos d’un scottish terrier, une goutte d’eau dans l’océan ! J’y irai en stop.

En route ! Ou pas…

Je prépare mes pouces avec soin, trouve sans grande difficulté la route vers la plus grande ville du pays, et me poste à mon spot de stop. Je me sens plein d’une confiance absolue, prêt à déplacer les montagnes si elles osent se mettre sur mon chemin. Et puis les Écossais m’ont prouvé qu’ils étaient l’un des peuples les plus affables du monde, à quelques courtes encablures des Turcs. Sur lesquels ils ont toutefois l’avantage de parler une langue compréhensible, quoiqu’avec un accent incompréhensible.

On ne mord pas instantanément à mes pouces-hameçons. J’ai déjà rencontré un échantillon relativement représentatif de la population écossaise : des enfants, des personnes d’origine indéterminée, des artistes sur le Royal Mile, des clochards, un chef de chantier, des policiers, et cetera. Sans exception, ils se sont tous révélés être incroyablement gentils. De quoi m’en émerveiller ! Mes plus profondes convictions commencent même à en être ébranlées : se pourrait-il que certains roux soient pourvus d’une âme ?…

C’est un tantinet longuet quand même. Probablement parce que je me suis mis à me tourner les pouces, ce qui n’est jamais le meilleur moyen de faire du stop. De toute façon, soyons cohérents : si on est sympathique au point d’aborder les gens dans la rue pour leur proposer à manger, on devrait bien s’arrêter lorsqu’une personne d’apparence correcte fait de l’autostop à un endroit stratégique !? Non ?

Si, forcément. La France n’est pas connue pour être la plus accueillante des terres, et pourtant j’ai fait du stop avec succès dans toutes les conditions possibles et imaginables, les pires y compris : de nuit, sous la pluie, sur le bord de l’autoroute, habillé en noir, barbu à souhait, pieds nus… Règle numéro un en autostop : c’est lorsque ça semble le plus mal engagé que ça fonctionne le mieux. C’est donc pour bientôt.

Tout bien comptabilisé, ça fait maintenant un bon petit paquet d’heures que j’attends tout de même ! J’ai beau afficher un sourire détendu malgré le temps qui passe, me déplacer, prendre un panneau, m’assurer d’être sur la bonne route, rien n’y fait. Je suis devenu invisible ou quoi ? Suis-je un fantôme qui n’a pas compris qu’il aspirait au repos éternel plutôt qu’à un covoiturage éphémère ? Me verrait-on si je m’allongeais sur la route ? Pas sûr que l’expérience vaille la peine d’être tentée. Et puis au cas où je ne sois pas mort, je ne voudrais pas me tuer pour le vérifier. Voilà que mes pensées se remettent à faire n’importe quoi.

Il commence à faire nuit, je ne suis toujours pas parti, je n’ai aucune idée d’où dormir et demain commence la conférence ! Ma présentation n’est absolument pas prête d’ailleurs. Pour être exact, le travail est à peine commencé… Je ne comprends pas. Il doit y avoir une barrière culturelle, ou quelque chose d’insaisissable qui expliquerait l’apparente incohérence entre une gentillesse incroyable et cette méfiance vis-à-vis de l’autostoppeur.
Je dois me rendre à l’évidence : ça ne mord pas. La mort dans l’âme, la rancœur dans le cœur et l’urgence dans la panse (on fait des rimes avec ce qu’on peut), je décide trouver une autre solution. La jauge de la batterie de mon portable titille dangereusement le 0%, il va falloir que je sois efficace. Je trouve un arrêt de bus dans le coin, je vais rebrousser chemin jusqu’à la gare d’Edimbourg et continuer en car jusqu’à Glasgow. Seconde grosse déconvenue en deux jours. Je vais finir par m’y habituer !

Le bus ne prend pas les billets, seulement l’acompte exact… Enfer et damnation, suis-je donc maudit !!? Ces soixante-quinze kilomètres, cette goutte d’eau dans l’océan, représentent en fait la goutte de pluie qui fait déborder l’océan de vase. Un passager a pitié de moi, paie le billet, et refuse le change. C’est gentil merci. Mais ce n’est pas le moment de tenter de réhabiliter la réputation des Écossais.

Pour l’instant je n’ai qu’une envie, c’est d’entretenir ma colère jusqu’à la faire exploser sur le moindre passager qui tenterait, disons ne serait-ce que de me poignarder ! Hélas, ces situations n’arrivent jamais aux bons moments et je dois me résoudre à poursuivre mon trajet en paix…

Glasgow à la rue, sous la pluie

J’arrive à Glasgow, enfin ! Je suis dans la bonne ville, c’est déjà ça. Reste à savoir comment organiser la suite. Je m’installe dans un fast-food, où m’attend la confirmation du faux plan auquel je m’attendais. Le traceur qui m’avait promis de m’héberger, puis qui m’avait peu à peu semblé un peu plus distant, me dit maintenant qu’il ne peut rien faire pour moi. Après l’Espagne, l’Écosse.

Mais comment est-ce possible ?! Où que j’aille, en France j’accueille et je suis accueilli sans la moindre difficulté. Et au risque de me répéter, notre peuple n’est pas connu comme étant le plus accueillant… Est-ce le milieu du parkour qui est particulier en France, et qui contraste avec la culture française ambiante ? Ou est-ce que simplement, le fait qu’en France je connaisse tout le monde et que tout le monde me connaisse fait toute la différence ?
Toujours est-il que ces deux semaines en Écosse promettent d’être mémorables. Et compte tenu du froid et de l’humidité qui s’opposent violemment à la canicule et la sécheresse en Espagne, ce sera probablement moins agréable. Je tente l’hébergement via couchsurfing, les groupes facebook, les forums, toujours sans succès. Enfin, si si je n’ai pas de réponse pour cette nuit, ça fonctionnera probablement lors des suivantes !

Vraiment, une tente cassée c’est pas terrible.

Je sors à une heure du matin du Burger King où je m’étais connecté, en quête d’un endroit où dormir. A 50 mètres, un échafaudage a l’amabilité de me véhiculer avec douceur jusqu’au toit. C’est là que je réalise dans la douleur que dormir dans une tente dont l’unique arceau est cassé n’est pas la plus évidente des manœuvres… Je la haubane comme je peux à ce que je trouve aux alentours, mais ne nous leurrons pas, ma tente en est tristement réduite à une bâche humide qui me colle à la peau toute la nuit.

Le réveil est difficile. J’ai froid, je me sens malade, je réalise que ma présentation en est toujours au point mort, et que ce matin je n’ai plus du tout de voix. Première extinction de voix de ma vie, c’est spécial comme sensation !

Nouveau défi : m’exprimer dans une langue étrangère en chuchotant…

Il faut d’ailleurs absolument que je teste ça, tout de suite et rapidement ! Je dois avoir chopé quelque chose, je sens que j’ai une bonne diarrhée et c’est pressé !! Je laisse tout en vrac sur le toit, je descends en courant avec le plus de précautions possibles pour épargner mon sphincter, en priant qu’un établissement soit ouvert suffisamment tôt le dimanche matin pour me laisser accéder à ses toilettes. Un restaurateur providentiellement ouvert m’ouvre, et comprend que son full scottish breakfast, je n’en ai strictement rien à faire pour l’instant. Il m’explique que ses toilettes sont en train d’êtres lavées et que si j’y tiens je peux revenir dans 30 minutes. Noooooon… L’angoisse dans mes yeux doit être éloquente, il m’autorise à utiliser les cabinets du personnel. MERCI MILLE FOIS !!

Sur le trône, le moment est propice à toutes sortes de questions existentielles. Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi est-ce que je m’arrange toujours pour me retrouver dans des situations impossibles ? Comment suis-je passé de ce moment de félicité où j’appréciais ma nouvelle liberté, dormant jusqu’à plus soif (ni sommeil), profitant du vert de la campagne Écossaise et de son climat rafraîchissant ; comment suis-je passé de ce bonheur à ma zombification actuelle ?

Certes, j’aime le voyage et l’aventure. Mais est-ce que j’apprécie vraiment le fait de ne jamais savoir où dormir, de marcher toute la journée avec un gros sac à dos, de ne pas pouvoir travailler comme je le voudrais, d’être isolé de ma famille et de mes amis, perdu au milieu d’une foule de gens qui ne me voient pas ? Actuellement, j’aimerais juste quitter les toilettes, tout laisser en plan et rentrer chez moi. Me retrouver chez moi, me sentir chez moi, me reposer chez moi… Au diable l’étranger, chacun dans son pays et les vaches seront bien gardées ! L’herbe est toujours plus verte en Écosse qu’ils disaient. Est-ce que c’est pour mieux apprécier le confort que je me soumets à l’inconfort ?

Je me pose la question de rentrer en France directement après la conférence, en stop et tant pis pour l’avion, pour l’expérience et pour la culture ! Au moins, chez moi les gens ont la chance de pouvoir mourir de chaud… Si encore le froid et l’humidité me lâchaient la grippe ! C’est l’occasion de ressasser quelques souvenirs, au nombre desquels le mois que j’ai vécu sur le toit de mon école d’ingénieur, faute de démarches de logement effectuées à temps. Réminiscences également de mon retour du Liban en autostop en hiver, hébergé par ma tente également (conté sur cette page).

Quand j’aurai une femme et des enfants, et que je commencerai à vieillir, je devrai limiter ce genre d’expérience, j’en suis pleinement conscient. J’ai toujours pensé que ça serait un vrai sacrifice… Après ce que vis, j’en doute ! J’ai probablement déjà eu ma dose, et pour en être davantage convaincu je vais être contraint d’en rajouter encore une couche en tenant toute la semaine dans ces conditions. Je reviens progressivement à la réalité de ma présence sur les toilettes d’un établissement inconnu dans une ville inconnue, au milieu d’un pays inconnu, où on attend que je parle en tant qu’expert d’un sujet qui m’est encore inconnu.


Van Wilder disait : « L’inquiétude est comme un fauteuil à bascule. Ça vous occupe, sans vous mener nulle part. » Reprenons du poil de la bête, après tout je ne suis pas assis sur un fauteuil à bascule, mais sur le trône ! J’ai fini de vider mes entrailles. Trêve de jérémiades donc, pour l’instant il faut que je me concentre sur ma survie.
Ce qui implique de remonter sur le toit, ranger mes affaires, trouver le centre de conférences, y prendre une douche, me raser et m’habiller convenablement. Les conférences commencent l’après-midi, si je ne me perds pas je devrais pouvoir m’en sortir. Et pour peu que je trouve un endroit pour dormir le soir, j’aurai l’occasion d’y préparer ma présentation ! Le bilan n’est pas encore si catastrophique finalement.

Le SECC, aka le tatou

Par chance, le SECC, Scottish Exhibition and Conference Center, semble être un emblème de la ville que tout le monde connait. Mon sac, mes pieds nus et ma voix cassée ne font pas peur aux passants, qui m’indiquent tant et si bien le centre que j’y arrive sans encombre. Voilàààà, la vie est belle ! Le SECC est une immense construction en forme de tatou qui accueillera les quelques 1260 chercheurs en biomécanique de tous horizons cette semaine. Je me présente à l’accueil, et demande l’accès aux douches, parce que « je reviens de voyage ».

Pas de douche !! Ah. Comment faire ?… On me propose d’aller aux toilettes si je veux me raser. Ça fera l’affaire, la conférence n’a pas commencé donc je ne devrais y déranger personne, même tout nu. Je me lave à l’évier, en gardant ma serviette autour de la taille au cas où quelqu’un entre. Je lave, sèche et rhabille en vitesse le bas du corps, attaque le haut, me brosse les dents, et me lance dans la laborieuse tâche du rasage de la tête et de la barbe. Ce qui est loin d’être une sinécure avec un rasoir dont l’unique lame est émoussée, d’autant plus que les poils commencent à être un peu longs… (Au passage, ça fait quelques paragraphes que je ne prends plus de pincettes pour parler de diarrhée et de poils, ça dérange quelqu’un ? Il paraît que les scandales sont vendeurs, ça vaudrait le coup).

Quelqu’un entre se soulager la vessie, et tente de faire mine de ne pas être surpris ni choqué. Sans succès. A l’évidence, il n’est pas habitué à voir des énergumènes en train de se raser torse nu dans les toilettes d’un centre de conférence.

 » Bonjour !

– Bonjour…

– Désolé, j’espère ne pas vous déranger, je reviens de voyage et j’essaie d’avoir l’air plus ou moins présentable. Patientez, ça va prendre forme !

– Ah d’accord. D’où est-ce que vous revenez ?

– J’ai fait un tour par Édimbourg, puis dans les collines environnantes.

– Génial ! Et comment est-ce que vous trouvez notre pays ?

– Froid et humide, mais très vert et les gens sont extrêmement sympathiques !

– Merci, merci… D’où venez-vous ?

– De France, j’habite à Grenoble, dans les Alpes !

– Ah c’est intéressant, moi aussi je reviens d’une randonnée que j’ai faite dans les Pyrénées ! Mais je me suis arrangé pour arriver un peu plus tôt que le matin de la conférence…

– Vous avez bien fait… Vous êtes donc là aussi pour la conférence ?

– Tout à fait ! En fait, j’en suis l’organisateur.

– … »

Je suppose que c’est l’instant rêvé pour avoir honte. Comme souvent, je manque cette occasion et nous continuons la conversation comme si de rien n’était. Très sympathique cet homme !

Je suis enfin prêt, propre comme un penny neuf et beau comme un dieu (probablement Vulcain). Je pose mon bazar à la consigne, et j’arrive à temps pour la cérémonie d’ouverture. L’ensemble est un peu moins luxueux qu’à Séville, on ne se fait pas accueillir par des chanteurs d’opéra et la nourriture n’atteint pas des sommets gastronomiques absolus. En revanche, il y a un monde fou : un coup d’œil au programme me confirme que je ne pourrai jamais assister ne serait-ce qu’au dixième des présentations. Je rencontre là un de mes anciens professeurs que je découvre en dehors des cours pour la première fois, et qui ne dit pas un mot sur mon absence de chaussures. La situation est assez embarrassante tout de même.

 » Je savais pas que tu venais là !

– Moi non plus ! Enfin si, je me doutais bien que j’allais participer à cette conférence, mais je n’avais pas l’information concernant ta présence… votre présence. Enfin je ne sais pas comment dire.

– Allez va, oublie le vouvoiement, on est entre chercheurs ! Où est-ce que tu dors d’ailleurs ?

– Oulà. Vaste question. Pour y répondre rapidement (et aussi exhaustivement, finalement), je ne sais pas. Voilà le topo : j’étais censé me faire héberger par quelqu’un, qui au dernier moment m’a averti qu’il ne pouvait plus. Également, j’ai perdu ma carte bleue et je n’ai pas beaucoup de liquide, ce qui fait que l’hôtel n’est pas non plus une solution envisageable. En revanche j’ai envoyé pas mal de messages sur le site couchsurfing.com, ça devrait le faire !

– Mon gars, il me semble que ta vie est un long torrent tumultueux… Si tu as besoin dis moi, je trouverai sûrement moyen de te faire une place dans ma chambre !

– C’est vrai ?! Je vais essayer de faire autrement, mais je garde l’idée dans un coin au cas où ! C’est vraiment sympa !

– Voilà mon numéro, note le bien et économise ta batterie. »

On se dirige ensemble vers la cité des sciences où a lieu la soirée d’accueil. Elle commence, elle bat son plein, elle s’achève. Je retourne au centre de conférences pour récupérer mes affaires. Où m’attend une dernière surprise, apothéose de ma journée.

Le centre est fermé. Je me retrouve donc pieds nus, en T-shirt, de nuit, sous une pluie glaciale, malade, sans aucun papier, sans mon argent, sans ma tente, seul à seul avec moi-même dans une ville où je ne connais personne. Et je n’ai évidemment plus de batterie sur mon portable, je ne peux pas joindre mon ex-professeur-nouveau-collègue.

Le compte y est, on peut désormais parler d’ennuis. Cette nuit s’annonce chargée de menus plaisirs encore une fois. Je retourne en courant à la cité des sciences dans l’espoir d’y trouver un responsable. Dans l’intervalle, elle aussi a été fermée. Suis-je seul au monde ?…

Sans grande conviction, je reviens sur mes pas. Tiens, il y a un bouton vers la porte d’entrée principale. À quoi sert-il ? Au point où j’en suis, je peux toujours appuyer dessus : au pire, il déclenchera un lance-flamme dans ma direction, ça me réchauffera et abrègera mes souffrances. Voyons voir, tac : rien du tout. Décevant.

Je suis sur le point de me remettre à marcher pour ne pas mourir de froid au milieu de la nuit, quand j’entends un bruit derrière moi. Je me retourne ; évidemment ! Il y a un gardien dans ce genre de centres ! Je n’ai jamais été aussi soulagé qu’à ce moment là. À part peut-être, lorsqu’après un jour et une nuit sans eau en été dans les montagnes du Maroc, un enfant tapant du tambourin sur un vieux seau est apparu comme un mirage à l’horizon, me conduisant vers une source invisible qui se trouvait à 200 mètres de là (second commentaire de ce post). Mais je tergiverse, pour l’heure il y a d’autres priorités.

J’explique la situation au gardien, qui me conduit jusqu’à la consigne et me laisse prendre mon sac. Il m’explique aussi qu’il est possible de prendre une chambre à la résidence universitaire de la fac qui est juste à côté, à un tarif qui défie toute concurrence. Je le remercie chaleureusement, ainsi que Dieu — dont le rapport remerciements / demandes exaucées est injustement faible. Et je prends une chambre. Désolé, je faillis à ma réputation mais là j’en ai ma claque. Je serais même content de rentrer chez moi, de retourner à mon ennuyeuse routine !

C’est déjà un bon point pour le futur, la transition est violente mais parfaite pour me faire à une vie qui devra probablement être plus tranquille par la suite. Et puis je réalise ma chance ! Moi au moins j’ai un chez moi quelque part, ce qui n’est le cas ni pour beaucoup de clochards ni pour les immigrés…