David Pagnon

Été 2015, Partie 0/4

English version:

Été 2015

Partie 0/4

Le début d’une longue aventure !

Illustré par cet album (Espagne) et par celui-ci (Écosse).
Partie 0/4 ; Partie 1/4 ; Partie 2/4 ; Partie 3/4 ; Partie 4/4 ; Partie 5/4 ; Partie 6/4 (pas facile de compter au delà des quatre doigts d’une main).


Le contexte

Soyons bref. Je n’ai pas le temps de m’épancher, la batterie de mon ordinateur ne va pas durer toute la nuit. Tant pis pour les fautes de frappe, tant pis si mon clavier rend l’âme.

Pour préciser la situation, certaines touches ne fonctionnent plus, ou seulement par intermittence. Entre autres, le ‘o’ et le ‘t’. Le genre de désagréments qui vous fait confondre un grand black (« Othello ») avec l’enfer (« hell »), qui réduit un « atome » à une « âme », et qui annihile purement et simplement le pauvre Toto. J’utilise donc un utilitaire qui me permet d’utiliser d’autres touches moins courantes comme les parenthèses ou le Ç cédille pour écrire ces lettres. Fonctionnel certes, mais pas pratique lorsqu’on veut écrire au fil de ses pensées.

Au calme après une bonne nuit sur ce toit, prêt à faire ma conférence !

Par ailleurs, je suis actuellement calé sur le toit d’un petit bâtiment du parc Maria Luisa de Séville, où je vais passer la nuit avant de recouvrer une apparence plus civile pour présenter le résultat de mes recherches scientifiques dans le cadre d’une conférence internationale. J’ai en effet été victime d’un lapin assez fâcheux, et je ne suis finalement plus logé par le traceur qui me l’avait proposé. Je ne m’en plains pas pour autant: le toit que j’ai trouvé est juste assez facile à grimper pour que je puisse y monter avec tout mon barda, et juste assez difficile pour que les gens ne s’imaginent pas qu’on puisse avoir l’idée d’y établir domicile. Les arbres alentour le couvrent d’une ombre, luxe qui n’est pas de refus dans cette ville chauffée à 50°C jusqu’à 20h… Comble de la cerise sur le gâteau, il est plat et pourvu de rebords assez hauts pour cacher mes affaires lorsque je m’absente pendant la journée. Une situation parfaitement normale en effet, je devance la remarque qui vous brûle les lèvres.

Bref, bien que les circonstances ne jouent pas en la faveur d’une rédaction exhaustive, ces petits malheurs font partie de ma vie et je ne veux pas les oublier. Voici donc une liste de listes, format communément reconnu comme le plus rébarbatif à lire. M’enfin, j’ai déjà trois semaines de retard sur les événements que je veux décrire, c’est l’occasion où jamais pour tout bâcler !

Bonne lecture donc.

Les prévisions

Allons-y pour le programme prévisionnel du week-end en question, où j’arrive déjà bien fatigué.

Super programme, bien que la pluie s’en mêle. Entre deux éclaircies que nous tâchons de mettre à profit pour le reportage, nous pouvons nous baigner dans un torrent rendu boueux par les orages des derniers jours. Évidemment, puisque j’ai une fête prévue juste après – et pas de serviette, je ne prends pas le temps de me sécher correctement. La climatisation du train aurait eu tôt fait de me rendre malade si je m’étais laissé faire…

Un casse-tête d’autant plus ambitieux que je ne veux pas dépenser des millions en train et en avion.

Et puis, puisque le sommeil c’est pour les faibles, je profite de ma lancée pour préparer mes conférences, m’atteler à une présentation bilan de mon année de recherche, et organiser une rencontre entre filles motivées pour le parkour.

Également, pour monter un projet de thèse. Fatigué d’être débordé, j’ai pourtant appelé mon encadrant de recherche il y a quelques jours. Je lui ai signalé que je préférais ne pas m’engager sur un doctorat cette année, de manière à m’accorder un peu de temps pour tenter ma chance dans le spectacle, et avancer certains projets qui traînent depuis quelques années.

Ce n’est pas faute de motivation, la recherche me passionne toujours autant. Ce n’est pas non plus faute d’efforts pour concilier les deux: j’ai mobilisé mes superviseurs potentiels de thèse, les responsables financiers, la DRH, le chef du laboratoire, la chef du département, les chefs de l’école doctorale, et jusqu’à l’administrateur de l’ensemble des universités de Grenoble. Je leur ai proposé d’effectuer une thèse en candidat libre ; ou une thèse non rémunérée (profitable au laboratoire puisque je lui apporterais des connaissances sans rien lui coûter) ; ou une thèse dont le financement serait moindre, mais étalé sur plus de temps ; ou diverses déclinaisons de ces idées dont je vous épargnerai le détail. Sans succès. Bien qu’aucune de ces personnes ne soit foncièrement opposée aux solutions que je leur soumets, ils se trouvent à chaque fois enchevêtrés dans la toile inextricable des obstacles administratifs.
Puisque je n’ai pas développé la compétence « gestion des priorités » et qu’une journée ne compte que 24h, il me faut donc faire un choix. Je me trouve actuellement face à des opportunités dans le spectacle qui ne se proposeront probablement pas deux fois dans ma vie – et dans l’éventualité où elles se présentent à nouveau, je n’aurais peut-être ni la forme physique ni la situation familiale adéquates pour honorer ces propositions. Je choisis donc de mettre le curseur sur le parkour pour l’instant.

Mon superviseur comprend que ma décision est réfléchie. Toutefois, il me conseille tout de même de remplir le dossier. « Sait-on jamais, tu changeras peut-être d’avis et tu seras bien content d’avoir rempli le dossier à temps! ». Étant donné les efforts qu’il a fait pour moi, notamment en me trouvant l’année passée un contrat initialement réservé aux post-doctorants (personnes titulaires d’une thèse de doctorat), je peux bien faire cet effort pour lui faire plaisir… Avec un peu de chance, je ne serai pas pris : la bourse sur laquelle je candidate est la plus difficile à obtenir, et les aménagements que je demande n’ont jamais été acceptés de mémoire d’homme.

Ça n’en rend pas les choses faciles pour autant. Je passe un temps fou sur une candidature certainement vouée à l’échec, pour un poste que je ne veux pas. L’ennui, c’est qu’à force de retouches, le projet commence à être relativement convaincant. Si d’aventure c’était mon dossier qui en arrivait à être choisi, je me retrouverais dans un embarras assez délicat…

La réalité

Ça, c’étaient mes prévisions. C’était visiblement trop facile. Voici donc maintenant les imprévus.

La musique est somme toute assez similaire à la recherche. Non seulement elle demande un travail énorme pour maîtriser les bases et ainsi être capable de jongler avec les notes et les émotions – ou les concepts – sans s’encombrer l’esprit de basses considérations techniques ; mais c’est aussi un milieu d’élite, où l’élite elle-même n’a pas d’avenir. Enfin, ce qui est fait est fait, ce n’est pas ça qui va arrêter ma sœur!

Je ne le réalise que le lendemain, et évidemment le portefeuille s’est volatilisé lorsque je vais le chercher. Super. D’autant que je n’aurai pas le temps de récupérer une carte bancaire avant de partir pour un mois et demi de voyages à l’étranger. Sans conviction, je fais opposition. Sans réfléchir au fait qu’une fois ma carte bloquée, il n’est plus possible de retirer de l’argent, y compris au guichet.

Mon voyage s’annonce bien ! Ne vous détrompez pas: j’apprécie beaucoup Murphy et son émérite loi, qui a un don inégalable pour mettre un peu de piment à ma vie lorsque je m’ennuie. Mais ces temps-ci, je trouve qu’il me colle un peu trop aux basques…

Grâce aux ressources insoupçonnées de la part de mon conseiller financier qui mobilise toute la banque pour moi, je peux finalement récupérer le jour même de mon départ de quoi m’en sortir. Dans l’intervalle, je n’avais plus grand chose à manger chez moi, et de toute façon pas le temps ni l’envie de squatter l’argent de mes potes. J’en ai donc profité pour effectuer un petit jeûne de 3 jours. Il paraît qu’une purge du système digestif une fois de temps en temps fait le plus grand bien ! J’étais impatient de le vérifier.

La suite

Si on oublie les nouvelles péripéties qui se sont ajoutées depuis, tout s’est relativement miraculeusement résolu à ce jour. Voici donc, enfin, la délivrance à venir qui s’annonce pour le mois d’août, qui s’il sera d’un calme plat ne se présage pas moins intéressant.

J’aime vraiment l’inconnu ! Il réserve toujours de bonnes surprises.