Le Roméo et Juliette de La Compagnie Off attire 2000 personnes
Samedi soir se tenait la deuxième édition de la « Blitz Witz Nacht » avec en point d’orgue, l’avant-première de la nouvelle création de la Compagnie Off « Wild Side Story » qui a attiré 2000 personnes au Point Zéro.
Habituée aux grands shows, la compagnie tourangelle a une fois de plus montré tout son sens de la démesure samedi soir pour l’avant-première de sa nouvelle création « Wild Side Story ». Une cinquantaine de comédiens, une vingtaine de personnes à la technique pour un show mélangeant théâtre classique, danse et arts de rue.
Construit sous formes de tableaux se déployant sur un terrain de jeu de 70 mètres de long et 30 de large, le Roméo et Juliette de la Compagnie Off se voulait surprenant, une invitation à investir un lieu d’ordinaire peu chaleureux et accueillant. Un passage sous l’autoroute, glauque et sombre, qui dévoilait un visage inédit et attractif sous les coups de projecteurs et la mise en lumière du spectacle. Troublant les perceptions en jouant sur les contrastes entre la romance de l’histoire et le côté brut du lieu, en jouant avec le décor urbain, le béton des lieux et tous ses aspects sonores ou visuels, La Compagnie Off a visé juste en s’offrant un show flamboyant.
Oui mais la grandeur et la démesure du spectacle ainsi que la volonté de Philippe Freslon d’attirer le public et l’amener à suivre le spectacle physiquement en se déplaçant avec les tableaux, entraîna des frustrations. Difficile en effet dans la foule de profiter pleinement du spectacle dans son intégralité, et face à la visibilité souvent au mieux partielle, une partie du public préféra partir avant la fin, tournant le dos aux amoureux de Shakespeare. « Les arts de la rue s’opposent au théâtre conventionnel dans des salles. Leur propre est d’être inconfortable » décrivait Philippe Freslon lors des répétitions. Créant volontairement cet « inconfort » pour le public, l’obligeant à prendre ce qui peut l’être, la Compagnie Off assume par ce biais ses origines, celles d’être une compagnie d’arts de rue, avec ce que cela implique : l’investissement de lieux tels qu’ils sont, avec leurs limites et leurs contraintes, obligeant le spectateur a jouer lui-même sa propre partition, à devenir acteur de son propre spectacle, en se déplaçant et en étant vigilant pour se placer au mieux, l’obligeant également à changer son axe de vue et sa perception du show à intervalles réguliers… Le spectateur est ainsi sollicité dans sa démarche afin de « lui faire vivre une expérience plutôt que d’assister à un spectacle » pour reprendre les propos de Catherine Aventin.
Il en résulte que cette masse de spectateurs itinérante rend plus oppressante encore l’histoire shakespearienne mais renforce aussi la grandeur du show, notamment dans le final spectaculaire où la foule est happée. Oui mais face à la grandeur annoncée du show, face au déploiement de moyens techniques, au décor et à la réputation de la compagnie tourangelle, la frustration du public ne pouvait être que plus grande. Une frustration renforcée également par un son parfois difficilement audible. Dommage.
D’autant plus dommage que ce « Wild Side Story » est réellement un spectacle de grande qualité. Une adaptation fidèle dans l’histoire et les dialogues au texte de Shakespeare, mélangé à une mise en scène inspirée de « West Side Story » et du New-York des années 60/70. « L’ambiance du point Zéro permet de créer un univers rappelant le Bronx des années 70 » racontait ainsi le directeur de La Compagnie Off, « l’univers de West Side Story est présent en filigrane, dans cette adaptation libre de Roméo et Juliette » précisait de son côté Caroline Forestier, co-auteure du spectacle.
Philippe Freslon et La Compagnie Off savent d’ors et déjà qu’il y aura des corrections à apporter, et après tout, quoi de plus normal ce « Wild Side Story » étant dévoilé, rappelons-le, ici en avant-première. La Compagnie Off le jouera de nouveau l’an prochain à Aurillac et sur Lyon, avant d’essayer de le produire dans d’autres lieux . « Vinci Autoroutes est notre principal partenaire pour ce spectacle, et nous allons essayer de trouver d’autres villes où ils sont présents, dans des villes ayant des endroits un peu similaires, des zones urbaines oubliées » expliquait ainsi Philippe Freslon qui évoquait également la possibilité de jouer dans des friches industrielles.