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David Pagnon

Pour Léquipe, par l’Ecole de journalistes de Grenoble en 2015.

Pour Léquipe, par l’Ecole de journalistes de Grenoble en 2015.

Pour Léquipe, par l'Ecole de journalistes de Grenoble en 2015. Lien du dossier ici : https://ejdg.atavist.com/passe-muraille

« Passe-Muraille »
Dossier complet ici : https://ejdg.atavist.com/passe-muraille
Dossier pour L’équipe, par l’Ecole de journalistes de Grenoble en 2015.

Extraits :

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Comment allier endurance et explosivité ? David Pagnon avance un début de réponse. Longiligne, il semble taillé pour la course à pied ou l’escalade. Pourtant, tout en pratiquant les arts martiaux, il a le parkour dans le corps, jusqu’aux bouts des doigts : ses mains sont rêches, égratignées, cornées. «C’est le changement physique le plus visible qui accompagne le parkour», sourit-il. Membre de l’AGP et âgé de 33 ans, il affirme que c’est justement la pratique en milieu urbain qui permet aux traceurs de développer leurs capacités.

«À Grenoble, les entraînements en salle de l’AGP sont fermés aux débutants. Il faut deux mois de pratique, en extérieur, pour se voir ouvrir les portes de la salle. On cherche à faire prendre conscience aux nouveaux traceurs qu’ils doivent apprivoiser le terrain, que l’essentiel se passe à l’extérieur. On n’utilise pas les mêmes techniques, il n’y a pas le même rapport au corps lorsqu’on est dans la ville», indique David Pagnon. Grâce à cette marche forcée en extérieur, le corps s’adapte et se développe, en interaction avec son environnement.

Après plus de dix années de pratique en France et à l’étranger, il regrette encore d’avoir commencé par l’entraînement en salle :
«C’était ma plus grande erreur. J’ai pu faire, relativement vite, des choses assez impressionnantes en salle. En revanche, j’étais incapable de les faire en extérieur. J’essayais, je ne savais pas réceptionner, je me faisais mal. J’ai dû répéter sans cesse les mouvements pour m’adapter.»

Ces exercices de répétition, c’est le travail de pliométrie : le bondissement bref et répété, permettant de décupler la capacité à produire un mouvement plus puissant sur une période très courte. Pour le muscle, une phase excentrique succède immédiatement à une phase concentrique. Cette technique, devenue essentielle aux entraînements des traceurs, est également comparables aux «katas» des arts martiaux japonais. La répétition, en puissance et dans le vide, des techniques de combat.

Le mantra des pratiquants ? Répéter le mouvement pour obtenir une plus grande précision. Il s’accompagne aussi d’un travail de visualisation, puisqu’il s’agit de mesurer les distances, les risques et les possibilités. «Je pense qu’à partir du moment où je réfléchis, ça ne marche pas. J’observe, puis je fonce. Visualiser, se vider l’esprit, se surprendre et y aller, c’est ça le secret. Le cerveau ne doit pas se poser de questions lorsqu’on est en marche», considère David Pagnon. Échappé sur un toit d’immeuble, le traceur raconte sa méthode avant de traverser le gouffre. Il ferme un instant les yeux, comme s’il s’apprêtait à méditer, puis s’élance.

«J’aurais tendance à dire qu’il y a une capacité vidéo-spatiale assez extraordinaire, sur l’appréhension des hauteurs et des largeurs. Pour réussir ce type de performance, il faut déjà avoir un cerveau différent d’un monsieur ou madame Tout-le-monde», souligne le neurologue Jean-François Chermann, ancien consultant du Stade Français, après avoir visionné les mouvements de David Pagnon. Dans la prise de décision, la mise en place de stratégies, la rapidité d’exécution, les performances cognitives des traceurs sont particulièrement importantes. Puis, il y a cette prise de risque inhérente aux sportifs de haut niveau. «Dans l’instant précédant le saut, on observe un phénomène de plaisir et de risque : le plaisir envoie de la dopamine, le risque de l’adrénaline. Ils ont un besoin particulier de stimuler le cerveau et de mettre leur corps en jeu», conclut-il.

Le freerun, le parkour et l’art du déplacement demandent aux pratiquants autant de réflexion que d’investissement physique. L’absence de fédération et de tout cadre structurel ou décisionnaire laisse place aux interprétations des traceurs : jeu, sports de rue, ce sont aussi de véritables philosophies et modes de vie pour certains

[…]

L’histoire même de la Fédération de parkour illustre les difficultés qu’a connues le principal organisme chargé de gérer la discipline. Début 2009, un forum de discussion, «Parkour Inter Association» (PKIA), est créé pour mettre en relation les associations locales. Devant le succès de cet espace d’entraide et de discussion, PKIA se mue en association en octobre 2010. Puis, un peu plus d’un an plus tard, en novembre 2011, la Fédération de parkour naît. Elle n’est pas reconnue par l’État, alors que ce sport a vu le jour en France. Son rôle se limite, pour le moment, à fédérer les associations de parkour de l’Hexagone.

Responsable des partenariats au sein de la FPK, David Pagnon estime qu’un rapprochement avec d’autres fédérations, comme celle du pentathlon moderne (épreuve constituée de cinq disciplines : l’escrime, la natation, l’équitation, le tir au pistolet et la course à pied) pourrait être une solution. «Pour gagner du poids, on pourrait aussi faire en sorte d’augmenter considérablement le nombre d’inscrits, mais faire du chiffre pour faire du chiffre est contraire aux valeurs du parkour, assure-­t-­il. À la fédération, on manque de moyens. Il nous est impossible de faire appel à des graphistes, des informaticiens, des communicants. Nous travaillons bénévolement, c’est le règne de la débrouille.»

Le salut de la Fédération de parkour passerait­-il par l’organisation de compétitions ? C’est un sujet qui fait débat. Depuis ses débuts, l’instance a toujours été contre et sa charte ne laisse aucun doute : «Bien que l’émulation au sein d’un groupe permette aux traceurs de se motiver et de progresser ensemble, la pression exercée par le public et les médias lors d’une compétition est telle qu’elle les conduit à dépasser leurs limites au­-delà du raisonnable, au risque de se blesser gravement.» Une position confirmée en 2011 par un sondage lancé sur le site internet de la fédération : 90% des internautes s’expriment contre l’organisation de tels événements. Plus important encore, en 2013, le père de la discipline, David Belle, prend position contre le premier championnat de France qui s’est tenu à Paris. L’événement, sobrement intitulé «Free Running XTreme Gravity», était organisé par RStyle, une société d’événementiel spécialisée dans la promotion des cultures urbaines.

La compétition est le sujet qui divise les pratiquants. Pour David Pagnon, qui fait partie de ces opposants, le parkour «trouve son sens non pas face aux adversaires, mais face aux obstacles et à leur variété». À l’inverse d’autres disciplines : «Les sports collectifs doivent par nature opposer une équipe à l’autre, les sports de combat ne sont pas évidents à concevoir sans adversaire, et s’entraîner toute l’année à courir 100 mètres sur une piste plate et rectiligne ne semble pas fantastique sans enjeu.»

« Passe-Muraille »
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