David-Pagnon.com
David Pagnon

L’élue de mon coeur… et l’état islamique

L’élue de mon coeur… et l’état islamique

L’élue de mon coeur… et l’état islamique

English version: English version

L’élue de mon coeur… et l’état islamique

Le récit des fiançailles là : http://david-pagnon.com/fr/fiancailles-a-prolongations/
L’enterrement de vie de garçon : http://david-pagnon.com/fr/mon-enterrement-1/
Les vœux : http://david-pagnon.com/fr/nos-voeux-de-mariage/

 

« Faites l’amour, pas la guerre ! » Slogan américain des années 60 contre la guerre du Vietnam

Le Carnaval est maintenant fini, ainsi que mes périodes à Alès, Châlons-en-Champagne, Miramas et Marseille. J’ai un jour et demi pour rentrer chez moi et préparer mes affaires en vue de quelques mois de vadrouille supplémentaires. Ce serait un repos plus qu’apprécié si seulement j’avais de l’électricité pour m’éclairer, cuisiner et utiliser mon ordinateur. Mon ami à qui j’ai prêté mon appartement a manqué les deux rendez-vous que je lui avais pris à cet effet, l’électricité n’est donc toujours pas disponible et j’ai une centaine d’euros de charges en plus à payer.

Une bonne période de répit auprès de ma douce en Arizona me sera bien profitable ! Je serai toujours loin de mon cher foyer Alpin, mais au moins je pourrai enchaîner plus de trois nuits au même endroit. Et ça, c’est beau. J’aurai l’électricité aussi, un luxe dont je commence à peine à apprécier la valeur. J’aurai un peu plus de temps pour avancer mes projets également. Physiquement, j’aurai l’occasion de réparer mon dos et mon genou. Et les retrouvailles dont je me languis seront enfin une réalité… palpable. Le reste, tout aussi exaltant, appartient à ma vie privée.

Stoppons les frais, si je continue sur cette lancée je vais être fleur bleue et c’est niais. Passons à la politique internationale, un sujet autrement plus sérieux. Je vous offre ici un bref aperçu de la montée de Daech, l’Etat Islamique, sous l’éclairage de ma relation de couple avec Mikaela. Quel rapport ? Aucun. Aucun, je refuse catégoriquement d’y voir quelque rapport que ce soit. Mais quand même.

Novembre 2011. Alors que je travaille au sein d’une ONG au Liban, la situation commence à être sérieusement inconfortable avec les voisins. Les relations avec Israël et la Palestine ne s’améliorent pas franchement. En Syrie, ce qui n’était qu’un mouvement d’opposition au président Bachar El-Assad évolue en révolution armée, puis en guerre civile. Certains soldats n’hésitent pas à s’attaquer aux états mitoyens – le Liban par exemple. Enfin, après s’être fait envahir par l’armée américaine, l’Irak est abandonné à son sort. C’est en profitant de la déstabilisation de ces deux derniers pays que Daech prend la brèche et se saisit du pouvoir, en fondant un « État » Islamique en Syrie et en Irak. Pour faire simple, dès maintenant et pour la suite, Daech est en guerre contre tout le monde : contre l’armée syrienne de Bachar El-Assad, contre les rebelles syriens, contre les États-Unis et l’occident, ainsi que contre la Russie et les Kurdes en Turquie dont je ne parlerai pas ici.

Notre premier rendez-vous avec Mikaela... Je me suis laissé distraire !

Notre premier rendez-vous avec Mikaela… Je me suis laissé distraire !

C’est là que Mikaela et moi nous rencontrons. Elle restera au Liban un an et demi ; quant-à moi je suis déjà sur le point de partir. Je ne crois pas aux coups de foudre. Ce qui tombe parfaitement bien, puisque ce n’est pas le coup de foudre. Je crois aux étincelles par contre, capables d’embraser progressivement et durablement un foyer. C’est plutôt dans ce registre que nous nous trouvons, alors que nous nous baladons dans les ruines de l’hippodrome de Tyr ; sans arrière-pensée et tranquillement, du moins lorsque les ruines millénaires de l’hippodrome autorisent mon corps et mon esprit à ne pas se disperser pour y trouver des spots de parkour. Pourtant, l’étincelle ne suffit pas à enflammer les poudres. Je ne suis probablement pas encore prêt, ni à me poser avec quelqu’un, ni à combattre tous stéréotypes envers les Américains… Je repars avec ma tente et mon pouce, en autostop vers la France, et on s’oublie.

Janvier 2015. Plus de trois ans plus tard, deux sinistres frappent la France presque simultanément. Les attentats contre le journal satirique (et provocateur) Charlie-Hebdo d’une part, et une prise d’otages juifs dans une épicerie casher d’autre part. Le premier acte est perpétré par les frères Kouachi avec sang-froid et organisation ; le second par Amedy Coulibaly, dans une invraisemblable confusion. Qui sont les responsables ? Aqpa, la branche d’Al-Qaeda au Yemen, revendique rapidement les attaques à Charlie-Hebdo. Quand au second attentat, les choses ne sont pas claires. Coulibaly proclame agir dans le nom de Daech, mais cela semble étonnant : bien que la tendance soit vouée à s’inverser, l’état illégitime et encore embryonnaire n’a pas les moyens de mener de telles actions en occident. De plus, la radio officielle de Daech salue les actions des frères Kouachi, mais ne touche pas un seul mot de ceux de Coulibaly. Quant-à une action coordonnée d’Al-Qaeda et de Daech, elle serait extrêmement peu probable puisque les deux se vouent une guerre sans merci en Syrie. En effet, l’un espère convertir le monde entier en massacrant les « infidèles », tandis que l’autre veut commencer par construire un état viable en y attirant les « fidèles », pour s’étendre progressivement au delà de l’Irak et de la Syrie – en massacrant les infidèles. Deux objectifs similaires pour un esprit occidental, mais incompatibles dans les faits. On suppose donc que Coulibaly a agi de son propre chef. Toujours est-il que tout ça engendre une série de manifestations citoyennes assez macabres, bien que pacifiques. Les médias étrangers en parlent abondamment.

C’est à la suite de ces histoires que Mikaela, inquiète, renoue le contact et me demande des nouvelles en quelques mots. Je lui réponds avec un peu plus de détails. Elle, ayant un goût avoué pour la politique internationale et une passion certaine pour l’écriture, s’étale encore plus. Coïncidence amusante, j’ai aussi tendance à écrire plus que de raisonnable – l’auriez-vous remarqué ? C’est un cercle vicieux, en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire nos emails deviennent des romans.

Novembre 2015. Un nouveau coup dur atteint la France, avec les massacres à Paris et notamment celui au Bataclan. Cet événement est le plus meurtrier en France depuis la seconde guerre mondiale, avec 130 morts et 413 blessés hospitalisés. Cette fois plus de doute, c’est Daech, qui en quelques mois cruellement meurtriers en Irak et en Syrie a pris un essor impressionnant. L’organisation qualifie Paris de « capitale des abominations et de la perversion ». Le spécialiste de l’islam contemporain Gilles Kepel interprète : « Daech souhaite déclencher une guerre civile en utilisant la population mal intégrée et les camps d’entraînement au Levant ». D’une pierre deux coups, cette population vient renflouer les troupes de Daech, et nos pays sont menacés. Tout bonus pour un état qui souhaite émerger.

Le même jour, Beyrouth est victime d’attentats similaires. Avec 43 morts et 239 blessés, ce sont les plus meurtriers depuis la guerre civile de 1990 (plus encore que la guerre avec Israël en 2006). Ils sont aussi revendiqués par Daech, mais toute l’attention étant focalisée sur Paris, on en parle malheureusement beaucoup moins. Les motifs sont légèrement différents : le Hezbollah, mouvement musulman chiite armé au Liban, a envoyé des soldats combattre Daech en Syrie aux côté de Bachar El-Assad. Daech n’a pas apprécié… Remarquons au passage que pour la plupart – y compris l’occident -, Bachar El-Assad est en passe de progresser d’ennemi public numéro 1, à allié valeureux et indispensable. Deux poids, deux mesures. Daech d’abord, Bachar plus tard – ou jamais.

C’est juste après ces événements là, alors que l’état d’urgence vient d’être déclaré, que je prends l’avion pour les États-Unis pour la première fois. Avec Mikaela, nous avons décidé que l’ambiguïté par voie épistolaire ça allait bien pendant un temps, mais qu’à un moment il fallait se résoudre à accepter l’évidence : il y a un peu plus qu’une correspondance anodine entre nous deux. Écrire c’est bien, agir c’est mieux. Une rencontre réelle s’impose. L’étincelle a couvé pendant quatre ans, mais elle semble toujours vivace.

Mars 2016, c’est notre voisin belge qui souffre. Les attentats de Bruxelles font 35 morts et plus de 300 blessés. Jamais il n’y a eu tel carnage dans toute l’histoire de la Belgique. Bien que petite, la Belgique combat activement Daech – plus en proportion que tous les autres états européens. Par ailleurs, ses dispositifs de sécurité et ses services de renseignement n’ont pas les moyens d’un plus grand pays. Une cible casse-pieds pour l’état islamique, autant que vulnérable : pourquoi se passer d’une petite tuerie, quand l’objectif est de déclarer une guerre totale sans camp, un chaos indescriptible où tous combattent contre tous ?

Comme par hasard, c’est au lendemain de ce triste événement que je m’envole une seconde fois pour voir Mikaela, alors que les choses deviennent bien sérieuses entre nous.

Juillet 2016, Mikaela me rend visite en France. Je souhaite le meilleur au monde qui nous entoure… Quant-à nous deux, je nous augure une histoire pleine d’aventures et de rebondissements !

Petite urgence pour ne pas perdre la main

N’allons pas trop vite en besogne. Pour l’heure, on est dimanche midi, je prends l’avion le lendemain à 7h du matin, et je n’ai pas encore commencé à me poser la question du transport jusqu’à l’aéroport. Je choisis un covoiturage, il est annulé. Je prends un billet de train, l’avion étant retardé j’annule le train. Je reprends un covoiturage, il est confirmé. J’arrive à l’aéroport, l’avion a déjà changé d’horaires 9 fois, il fait une escale en moins, je ne suis plus sûr de rien.

Enfin il est prêt à partir, avec ma carcasse bien installée dans la sienne. Avec le retard, la correspondance n’est pas évidente à rattraper. Elle l’est moins encore dans un aéroport de la taille de celui de Londres. Les choses deviennent fâcheuses lorsqu’on m’indique à 3 reprises le mauvais terminal. Et avec un dos douloureux comme le mien, intégrer tous ces aller-retours dans le peu de temps imparti devient presque impossible. Je pique un sprint bancal en direction de la sécurité, je demande si je peux éviter la queue et passer du côté pro et business, on accepte. Première bonne nouvelle, c’est reposant.

Ça ne dure pas toutefois, puisque mon sac semble suspect et je dois le faire inspecter par un agent. Il reste alors 6 minutes avant la fermeture des portes. Je demande à un agent s’il lui semble possible que j’arrive à temps, il me confirme que dans l’état actuel des choses j’ai peu d’espoir… Raisonnons simplement, il suffit donc de changer l’état actuel des choses : il avertit le personnel de mon retard, qui accepte de m’attendre un peu. Je ne savais pas qu’on pouvait faire ça ! Je ne m’en plains pas, ça me laisse quelques minutes de répit pour ranger mon sac en vrac, courir comme un damné, et chopper l’avion !!

Là non plus je n'ai pas résisté !

Là non plus je n’ai pas résisté !

Le reste du vol se passe sans encombre. Cependant, à l’atterrissage j’attends Mikaela qui est restée bloquée derrière un accident de la route. Amusant ! Je ne détaillerai pas mon séjour aux États-Unis, qui sera reposant et agréable autant que productif pour quelques uns de mes projets. Tout va bien, rien à raconter. Mon dos et mon genou, en voie d’extinction il y a encore quelques semaines, semblent vivre une nouvelle jeunesse. C’est fou comme le repos peut être efficace !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *